Focus sur le télétravail

L’ANI sur le télétravail signé le 26 novembre 2020 par les organisations patronales et les organisations syndicales – hormis la CGT – s’applique depuis le 13 avril 2021 à toutes les entreprises en vertu de l’arrêté du 2 avril 2021 portant extension de l’accord national interprofessionnel pour une mise en œuvre réussie du télétravail.

Une définition élargie du télétravail prenant en compte les situations exceptionnelles : « Le télétravail désigne toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux, de façon volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication. Dans la pratique, il peut s’exercer au lieu d’habitation du salarié ou dans un tiers lieu, comme par exemple un espace de coworking, différent des locaux de l’entreprise, de façon régulière, occasionnelle, ou en cas de circonstances exceptionnelles ou de force majeure. En tout état de cause, la mise en œuvre du télétravail doit être compatible avec les objectifs de performance économique et sociale de l’entreprise. »

 

L’ANI traite de la continuité du dialogue social de proximité en situation de télétravail ordinaire et exceptionnel. Dans son préambule, l’ANI précise que le télétravail doit être intégré dans le fonctionnement de l’entreprise et donner lieu à une étude préalable s’appuyant sur les retours d’expérience : « Une analyse des organisations du travail au sein de l’entreprise visant à articuler de manière optimale le télétravail et le travail sur site est utile, dans le cadre du dialogue social et professionnel mis en place par les entreprises. La période récente invite les entreprises, les salariés et leurs représentants à tirer les enseignements de la pratique du télétravail en cas de circonstances exceptionnelles durant la crise sanitaire par la réalisation de retour d’expérience, de diagnostic partagé, etc. À cet égard, il est utile de tirer les enseignements des mesures prises pour la continuité d’activité et d’en réaliser un suivi, avec les représentants du personnel s’ils existent. L’anticipation de scénarios exceptionnels permet d’identifier les différentes situations auxquelles l’entreprise peut être confrontée, les spécificités éventuelles de la mise en œuvre du télétravail, le rôle des différents acteurs de l’entreprise, les conditions de poursuite du dialogue social et de préservation du lien entre les salariés et leurs représentants lorsqu’ils existent ».

 

 

Une mise en place du télétravail encadré par un accord collectif d’entreprise ou une charte soumise à la consultation du CSE mais pas forcément… : « Le télétravail est mis en place dans le cadre d’un accord collectif ou, à défaut, d’une charte élaborée par l’employeur après avis du comité social et économique, s’il existe. En l’absence d’accord collectif ou de charte, la mise en place du télétravail est possible par accord de gré à gré entre le salarié et l’employeur. Aux termes de la loi, l’accord collectif applicable ou, à défaut, la charte élaborée par l’employeur précise :

1° Les conditions de passage en télétravail, en particulier en cas d’épisode de pollution mentionné à l’article L. 223-1 du code de l’environnement, et les conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail ;

2° Les modalités d’acceptation par le salarié des conditions de mise en œuvre du télétravail ;

3° Les modalités de contrôle du temps de travail ou de régulation de la charge de travail ;

4° La détermination des plages horaires durant lesquelles l’employeur peut habituellement contacter le salarié en télétravail ;

5° Les modalités d’accès des travailleurs handicapés à une organisation en télétravail, en application des mesures prévues à l’article L. 5213-6. En cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d’épidémie, ou en cas de force majeure, la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés. Dans ce cas, la décision relève du pouvoir de direction unilatérale de l’employeur ».

 

Anticiper les risques par une phase d’expérimentation : « La mise en place d’une phase d’expérimentation, suivie de l’élaboration d’un bilan est de nature à permettre d’identifier les facteurs clés de succès, … » La question des activités télétravaillables ou pas relève du chef d’entreprise : « La question de l’organisation concrète du travail, et notamment l’identification des activités de l’entreprise pouvant faire l’objet de télétravail, conditionne la réussite de ces missions essentielles et relève donc nécessairement de la responsabilité de l’employeur et de son pouvoir de direction. » …. Mais sont à discuter en CSE : « Afin d’être mis en place de manière efficiente et pérenne, le télétravail doit s’intégrer dans une organisation du travail adaptée. Une analyse préalable des activités éligibles facilite sa mise en œuvre. Pour ce faire, les partenaires sociaux considèrent que le dialogue professionnel permet de repérer les activités pouvant être exercées en télétravail. La définition des critères d’éligibilité peut utilement alimenter le dialogue social. Dans le cadre de ses missions habituelles, le CSE est consulté sur les décisions de l’employeur relatives à l’organisation du travail ayant un impact sur la marche générale de l’entreprise, dont les conditions de mise en œuvre et le périmètre du télétravail. »

Un objet de négociation et de dialogue social à intégrer dans la négociation sur la QVT : « Les signataires du présent accord insistent sur l’importance de faire de la mise en place du télétravail un thème de dialogue social et de négociation au niveau de l’entreprise… À titre d’exemple, la négociation périodique… relative à la qualité de vie au travail, ou la négociation relative au droit à la déconnexion, telles que prévues par le Code du travail, peuvent permettre d’engager le dialogue… en vue d’aboutir à un accord collectif relatif au télétravail, pouvant notamment traiter, outre les thèmes visés au 2.1 du présent accord, du périmètre, des conditions de mise en œuvre, des modalités de prise en charge des frais professionnels, etc. » Les conditions d’accès au télétravail hors situation exceptionnelle Le double volontariat : si l’employeur n’est pas d’accord, il peut s’y opposer.

La formalisation des conditions du télétravail au salarié : « Ces informations peuvent notamment porter sur :

– le cadre collectif existant (accord, charte), le cas échéant ;

– la pratique du télétravail telles que le rattachement hiérarchique, les modalités d’évaluation de la charge de travail, les modalités de compte rendu et de liaison avec l’entreprise,

– les modalités d’articulation entre télétravail et présentiel pour tenir compte notamment du maintien de la qualité du travail avec les autres salariés ;

– les équipements, à leurs règles d’utilisation, à leurs coûts et aux assurances, etc. – les règles de prise en charges des frais professionnels, telles que définies dans l’entreprise. »

Organisation du télétravail : contrôler n’est pas tracer : « contrôle du temps de travail, respect du droit à la déconnexion… Il résulte des dispositions légales que si un moyen de contrôle de l’activité du salarié et de contrôle du temps de travail est mis en place, il doit être justifié par la nature de la tâche à accomplir et proportionné au but recherché, et le salarié doit en être informé. La mise en place de dispositifs numériques spécifiques nécessite le respect de deux conditions cumulatives : la consultation préalable du CSE et l’information préalable des salariés ».

Le droit à la déconnexion doit faire l’objet d’un accord ou d’une charte traitant de ses modalités de mise en œuvre.

Le télétravail intégré à l’entretien annuel : « L’employeur organise chaque année un entretien qui porte notamment sur les conditions d’activité et la charge de travail du salarié en télétravail. »

L’adaptation des pratiques managériales fait référence à l’ANI du 28 février 2020 portant diverses orientations pour les cadres qui abordent le management à distance en référence notamment au télétravail.

La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences peut intégrer le télétravail afin d’assurer une cohérence entre l’évolution des modes de travail et le développement des compétences nécessaires à la pratique du télétravail, au management à distance, à l’organisation du travail au sein des communautés de travail et à la prise en compte des transformations numériques de l’entreprise».

La question de la prise en charge des frais professionnels, un objet de négociation facultatif : « Le principe selon lequel les frais engagés par un salarié dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail doivent être supportés par l’employeur s’applique à l’ensemble des situations de travail… Le choix des modalités de prise en charge éventuelle des frais professionnels peut être, le cas échéant, un sujet de dialogue social au sein de l’entreprise. L’allocation forfaitaire versée, le cas échéant, par l’employeur pour rembourser ce dernier est réputée utilisée conformément à son objet et exonérée de cotisations et contributions sociales dans la limite des seuils prévus par la loi. »

Les règles en matière de santé et sécurité en cas de télétravail restent applicables aux salariés mais… « Il doit être tenu compte du fait que l’employeur ne peut avoir une complète maîtrise du lieu dans lequel s’exerce le télétravail et de l’environnement qui relève de la sphère privée ».

 

Pour AEPACT, le télétravail doit être considérée comme une unité de travail à intégrer dans l’analyse des risques : « prise en compte du télétravail dans la démarche d’analyse de risque visée à l’article L 4121-1 du Code du travail et qui fait l’objet d’une transcription dans le document unique d’évaluation des risques. … Cette évaluation des risques peut notamment intégrer les risques liés à l’éloignement du salarié de la communauté de travail et à la régulation de l’usage des outils numériques ». La prévention de l’isolement et la nécessité du maintien du lien social sont spécifiées dans l’ANI. Le télétravail pour les salariés en situation de handicap, présentant des problèmes de santé ou atteints d’une maladie chronique évolutive ou invalidante peut être utilisé comme un outil de prévention de la désinsertion professionnelle ou de maintien dans l’emploi.

 

Télétravail et LOM

La loi d’orientation des mobilités n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 vise à développer l’usage des nouvelles formes de mobilités, notamment dans le cadre du travail. Parmi les dispositions de cette loi, les thèmes de la négociation obligatoire en entreprise sur la QVT doivent à présent intégrer l’amélioration de la mobilité des salariés.

Les entreprises soumises à l’obligation périodique (entre 1 et 4 ans) de négociation sur l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail doivent aborder un nouvel item portant sur les mesures visant à améliorer la mobilité des salariés entre leur lieu de résidence habituelle et leur lieu de travail, notamment :

  • En réduisant le coût de la mobilité ;
  • En incitant à l’usage des modes de transport vertueux ;
  • En prévoyant la prise en charge des frais de transports personnels mentionnés aux nouveaux articles L3261-3 et L3261-3-1 du Code du travail, dont les modalités sont améliorées par la loi (cf. extension à la prise en charge des frais de recharge des véhicules électriques, hybrides ou à hydrogène). Le montant, les modalités et les critères d’attribution de la prise en charge de ces frais doivent être déterminés prioritairement par accord d’entreprise ou par accord interentreprises (à défaut, par accord de branche). Ces mesures financières ont un impact important pour les salariés résidant en-dehors et grandes zones urbaines.
  • L’article L2242-17 du Code du travail est ainsi enrichi d’un 8e item de négociation : « 8° Dans les entreprises mentionnées à l’article L. 2143-3 du présent code et dont cinquante salariés au moins sont employés sur un même site, les mesures visant à améliorer la mobilité des salariés entre leur lieu de résidence habituelle et leur lieu de travail, notamment en réduisant le coût de la mobilité, en incitant à l’usage des modes de transport vertueux ainsi que par la prise en charge des frais mentionnés aux articles L. 3261-3 et L. 3261-3-1. »

A défaut d’accord, un plan de mobilité (PDM) unilatéral doit être présenté par l’employeur, ce plan est obligatoire pour :

  • Les entreprises employant au moins 50 salariés sur un même site compris dans le périmètre territorial d’un Plan de déplacements urbains, ce qui concerne les agglomérations de plus de 100 000 habitants, soumises à la surveillance de la qualité de l’air ; ces entreprises doivent élaborer un PDME (Entreprise) pour l’ensemble de leurs sites, ce qui va au-delà de la notion d’établissement.
  • Plusieurs entreprises situées sur un même site peuvent aussi établir un PDME commun.
  • Le PDME vise une démarche RSE de développement durable en formulant des objectifs d’efficacité des déplacements dans une perspective de diminution des émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques, et de décongestion des transports. Il doit inclure des dispositions concernant le soutien aux déplacements domicile-travail du personnel, notamment via la prise en charge des frais de transports personnels.
  • A défaut d’accord, la prise en charge de ces frais est mise en œuvre par décision unilatérale de l’employeur, après consultation du CSE qui doit être consulté sur l’ensemble du plan.
  • Le PDME peut s’appuyer sur le plan de mobilité élaboré par l’autorité organisatrice territoriale lorsqu’il existe ; et doit être transmis à l’autorité organisatrice de la mobilité territorialement compétente. La loi prévoit que le PDME doit comprendre :
  • Une évaluation de l’offre de transport existante et projetée ;
  • Une analyse des déplacements entre domicile-travail et des déplacements professionnels ;
  • Un programme d’actions adapté à la situation de l’établissement, qui peut notamment comporter des mesures relatives :

À la promotion des moyens et usages de transports alternatifs à la voiture individuelle,

À l’utilisation des transports en commun,

Au covoiturage et à l’auto-partage, o À la marche o À l’usage du vélo,

À l’organisation du travail, au télétravail et à la flexibilité des horaires,

À la logistique et aux livraisons de marchandises.

  • Un plan de financement ;
  • Un calendrier de réalisation des actions ;
  • Des modalités de suivi et de mises à jour.

Focus sur la prise en charge et le forfait mobilité

L’article L3261-3 précise que « L’employeur peut prendre en charge, dans les conditions prévues à l’article L. 3261-4, tout ou partie des frais de carburant et des frais exposés pour l’alimentation de véhicules électriques, hybrides rechargeables ou hydrogène engagés pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail par ceux de ses salariés … Ou pour lesquels l’utilisation d’un véhicule personnel est rendue indispensable par des conditions d’horaires de travail particuliers ne permettant pas d’emprunter un mode collectif de transport. » L’article L.3261-3-1 crée « un forfait mobilité durable » permettant de prendre en charge tout ou partie des frais engagés par ses salariés se déplaçant entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail … ». La prise en charge des frais ne peut se cumuler avec l’actuelle prise en charge de 50% des abonnements de transports ; a contrario, le forfait mobilité peut se cumuler avec la prise en charge liée au transport public ou au service public de location de vélo.

 

 

Le régime social des frais liés au télétravail

Les frais engagés par le télétravailleur sont considérés comme des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l’emploi, dont le remboursement peut être exclu de l’assiette des cotisations.

Sont visés les frais fixes et variables liés à la mise à disposition d’un local privé pour un usage professionnel, les frais liés à l’adaptation d’un local spécifique, les frais de matériel informatique, de connexion et de fournitures diverses. D’autres types de frais peuvent être admis, s’ils sont liés au télétravail.

Concernant les abonnements internet : L’Urssaf précise que si l’employeur est en mesure de justifier le nombre d’heures de connexion consacré à l’exercice de leur activité professionnelle par ses salariés en télétravail, la prise en charge du coût de l’abonnement au prorata du temps de connexion lié à l’usage professionnel peut être exclue des assiettes sociales, quel que soit ce temps professionnel ; si l’évaluation ne repose que sur une simple déclaration des salariés, elle ne peut être retenue en franchise de charges sociales que dans la limite maximale de 50 % du nombre d’heures d’usage total.

Concernant la question de la restauration : Le télétravailleur étant en mesure de prendre ses repas chez lui, il n’a pas le droit au versement d’une indemnité forfaitaire. Si l’employeur décide de mettre en place une contribution, elle serait un avantage en espèce, soumis à cotisations sociales et à impôt sur le revenu. Le télétravailleur doit bénéficier des mêmes droits individuels et collectifs que ses collègues travaillant au sein de l’entreprise : si les salariés de l’entreprise bénéficient des titres-restaurants, il en est de même pour les télétravailleurs à domicile, nomades ou en bureau satellite (c’est la commission nationale des titres restaurant qui fixe les conditions d’attribution des titres restaurant. Ainsi, le bénéfice des titres restaurant pour les salariés en télétravail fait suite à un changement de position de la CNTR en 2011).

Le cas de la fermeture provisoire du restaurant d’entreprise est évoqué dans un « questions-réponses » diffusé sur le site des Urssaf le 16-10-2020 : « Par tolérance et pendant la période de fermeture du restaurant d’entreprise, il est admis que l’indemnité attribuée aux salariés est exonérée si elle est versée dans les mêmes conditions que la part patronale à l’admission au restaurant d’entreprise. Cette tolérance s’applique jusqu’à la date de réouverture du restaurant d’entreprise. Elle est applicable aux salariés sur site ainsi qu’aux salariés en télétravail, à la condition qu’aucun titre restaurant ne soit attribué aux salariés ».

Sur les modalités de prise en charge des frais : La prise en charge de ces frais peut s’effectuer soit sous forme de remboursement des dépenses réellement engagées par le salarié sur présentation de justificatifs, soit sur la base d’allocations forfaitaires exonérées de cotisations et contributions sociales dans la limite globale de 10 € par mois pour un salarié effectuant une journée de télétravail par semaine, de 20 € par mois pour deux jours de télétravail par semaine, 30 € par mois pour 3 jours, etc. (Actualité Urssaf du 18-12-2019).